La cantine c’est censé être un moment de détente, non ? Un espace clos, certes, mais où il fait bon vivre ? Foutaise ! Pour Jack c’était l’un des pires moments de la journée –car oui il y a plusieurs moment qu’il déteste-, pourquoi ? Parce que ! Bon d’accord c’est puérile mais lui fallait-il vraiment une raison pour haïr le moment de « tu dois manger car ton corps en a besoin » ? En vérité c’est surtout sa place qu’il cherchait… Il n’avait pas eu le temps de se faire des amis et encore moins des connaissances, faut dire que le matin même il n’avait pas eu le temps de dialoguer avec qui que ce soit puisqu’il était arrivé en retard et que le cours avait d’ores et déjà commencé.
Qu’importe, il tenterait de se rattraper lors du fabuleux petit déjeuner/déjeune/souper que lui réservait sa première semaine ou il serait complètement coupé du monde. Fallait dire que Jack et l’internat ça faisait non deux mais plutôt quatre ou cinq… Toujours est-il que le voilà avec ce qui semblait être un plateau rempli de bonne chose (si l’on en croyait les personnes servant les plats). Conscient que son engouement pour les mets industriels était des plus limité Jack avait pris soin d’emporter quelques barres aux… Fruits rouges… Ouais bah y avait plus de chocolat aussi…

Louchant sur son plat qui à l’évidence dégoulinait quelques peu à cause de la violence de l’impact qu’avait causé la « mixture » dans l’assiette. Bon cessons ces stéréotype de cafétéria il était vrai que ce n’était pas très ragoûtant mais ce n’était pas forcément mauvais… Allez expliquer ça à Jack… Rien que le fait qu’il y avait marqué « Cafétéria » sur le plan ça lui donnait envie de vomir et de courir chez lui pleurer ses barres de chocolats qu’il n’avait bien sûr pas trouvé puisque sa gourdiche de mère n’en avait pas acheté… Cet acte maléfique avait –à l’évidence- été prémédité. Dans toute cette méditation, il fit une rotation digne du plus empoté des garçons et percuta un élève lambda qui passait par là. C’était mal connaître Jack qui par ses pouvoirs surnaturels –ou pas- empêcha son verre de tomber en rehaussant son plateau d’un seul coup, hop rien par terre tout sur la veste ! Enfin tout… Disons le verre vide mais c’était quand même la honte…
Un vague sourire, des yeux de petit bonhomme qui vient de faire une bêtise et le voilà déjà bien trop loin pour entendre les gémissement de ce grand dadet qui rouspettait sur le fait que Jack était un première année et que lui en était à sa vingt-cinq ou vingt sixième, c’est ça quand on a des difficulté on redouble cinquante fois… Bref, dans son « entrain » naturel (entrain est une dérivé pour Jack, il s’utilise en réalité pour désigner son manque d’attention à ce qui l’entoure, enfin je suis sûr que vous vous en étiez douté, pas vrai ?). Donc je disais, dans son « entrain » naturel il ne remarqua pas la belle indication marquant d’un côté son entrée et de l’autre bah… Pas la sienne. Et devinez quoi ? Oui, prévisible n’est-ce pas ?

Le voilà sur le seuil de ce qui semblait être une séparation… Y avait des gens bizarre qui le regardaient mais une chose lui chuchotait dans sa petite oreille qu’ici c’était lui qui faisait tâche. Partagé entre l’idée de suivre son instinct et d’aller s’asseoir sur une table avec ces gens « bizarres » et retourner dans la salle d’a côté pour subir les railleries –du moins c’est ce qu’il pensait-, il resta là, figé sur place attendant quelqu’un ou quelque chose qui lui ferait choisir une des deux possibilités qui s’offraient à lui et qui s’entre choquait dans sa tête comme deux personnes faisant une partie de squash. Ponk, Ponk, Ponk, quand allait-elle s’arrêter cette foutue balle qu’il puisse enfin se concentrer…

Oh voilà que la balle se logea dans son épaule… Malheureusement ça n’avait plus rien du squash mais plutôt d’un jeu de récréation, une balle rebondissante dans l’épaule comme c’est amusant… Oh mais non, c’était un doigt, un malheureux petit doigt relié à une main des plus inattendues… Pourquoi lui tapait-on sur l’épaule au juste ? Les yeux de Jack se détournèrent après un ou deux appuis (long à la détente, oui). Qu’est-ce qu’elle voulait celle là ? Loin de lui l’idée d’être agressif mais au diable les doigts toucheurs d’épaule ! Il se retourna manquant à nouveau de faire tomber son plateau, on est doué ou on l’est pas faut dire.
Un sourire apparu comme pour excuser toutes ses bourdes passées et celles à venir –sûrement dans la minute qui allait suivre. Alors comme ça il bloquait le passage ? Hum, très bien il allait se pousser. Seulement voilà qu’une autre fille s’amusa à gentiment taper l’épaule de sa « copine »… C’était un jeu ici ou quoi ? Une idée farfelue lui traversa soudain l’esprit, devait-il lui aussi leur toucher l’épaule de cette façon ? Sa main se leva mais se baissa bien vite lorsqu’une petite rouquine –oui, il ne l’avait pas vu avant derrière Eclipse- se mit à parler. Ca alors ! Un remake de Blanche Neige et les Sept Nains ! Bon d’accord fallait pas exagérer non plus mais bon avec Jack il n’y a pas de demi mesure.

Une main vint saisir son bras accroché du plus fort qu’il pouvait au plateau, c’était une manie de vouloir que tout se renverse ou quoi ? Forcé de suivre, il accompagna cette drôle de fille qui appela par la même occasion son amie. « Eclipses » ? Ce n’était pas un peu bizarre comme prénom ? Quoique Jack pouvait parler niveau bizarrerie, ce n’était pas lui qui allait la juger. Ils prirent tous place à une table libre, pour sûr il y avait beaucoup moins de monde dans cette salle que dans l’autre et vu l’ambiance qui y régnait le jeune Wuthering commençait à comprendre pourquoi.
Néanmoins, il ne perdrait pas ses moyens, même si tous les yeux le fusillaient du regard, même si cette Eclipse était bizarre et même si cette rousse faisait un mètre vingt les bras levés, fallait bien commencer les relations un jour ou l’autre, non ? Convaincu que le fait de parler risquait de lui faire dire des bourdes énormes, Jack préféra le silence pendant un moment. Quelques secondes en fait, le temps qu’il s’asseye et qu’il positionne ô combien convenablement les immondices contenu dans son plateau :

- « Jack, déclara-t-il de but en blanc. »

Phrases courtes, idées longues. Cette phrase lui irait si bien… Enfin si l’on considérait que dire son prénom sans même un bonjour était une phrase. Qu’importait, son charisme ferait le reste du moins c’est ce qu’il aimait croire même s’il savait pertinemment qu’il ne possédait qu’un charisme comparable à celui d’un poisson rouge : on le regarde et une fois qu’il a fait le tour du bocal on passe à autre chose. Mais bien sûr vous vous doutiez bien que quelque chose n’allait pas dans ce « Jack » isolé… Non non non, que nenni ! Figurez-vous qu’il voulait un tant soit peu profiter de la situation pour connaître –justement- sa propre situation… :

- « Heu… J’ai fait quelque chose de… Mal ? »

Ses yeux passaient de gauche à droite à la vitesse du son, pourquoi ne cessaient-ils pas de les regarder ? Etaient-ils si étranges que ça tous les trois ? Wuthering se frotta la tempe en guise de réflexion, faut dire que niveau réflexion il était pour le moins limité quant au sujet du relationnel. Sans même avoir goûté à son plat, Jack ressentit le besoin de saler sa nourriture… Peut-être par gêne ça il ne le savait pas, par contre il était certain d’une chose : s’il se levait c’était pour courir en dehors de cet établissement. Il resta donc assis comme obligé de touiller cette viande pour le moins molle dans la purée à l’aide d’une fourchette tordue… D’ailleurs pourquoi c’était lui qui avait eu cette fourchette mal faite...
Vous l’avez peut-être constaté mais le contraste entre le sel et sa situation n’a aucun rapport… C’est ça d’être Jack, les idées se suivent mais ne s’enchaînent que rarement. Attendez-vous à passer du coq à l’âne.

De la faute d’Eclipse ? Si elle prenait la responsabilité de Jack c’était son problème après tout, car oui, bien que le jeune homme faisait mine de ne pas savoir, il se doutait bien que leur présence dérangeait. N’importe quel imbécile aurait pu le deviner de toute façon, aucune gloire à tirer de cette situation pour le moins lamentable. En parlant de table, voilà que son attention vient de se figer sur la fourchette de cette fille juste en face de lui, elle ne le connaissait pas, il ne la connaissait pas et pourtant elle lui adressa la parole. Bien sûr elle avait parlé un peu avant mais à cette Eclipse et non à lui. C’était étrange de se sentir si seul au milieu de tout ce monde… La rouquine cru bon de lui rappeler les règles de l’établissement, il serait passé pour un imbécile s’il avait décrété n’avoir vu aucune limite aux tables… C’était ridicule pour lui de ne pas prendre un siège libre devant une table vide. Logique quand tu nous tiens. Continuant de touiller cette bouillie noirâtre –oui à force de touiller du jaune purée dans du marron viande ça donne de la bouillie dite noirâtre- il releva les yeux sur les derniers mots de sa voisine :

- « Ah mais tu crois que… »

Il s’arrêta là, pourquoi ? Bonne question mais sachez qu’il n’y avait pas grand-chose à comprendre. Sûrement que lorsqu’il vit arriver Eclipse il avait détecté une force surnaturel, une de celle que l’on pressent… Un sixième sens pour trouver des choses auxquels on aspire des choses comme… Comme… Du sel ! Elle avait ramené du sel ! Savait-elle dans quel pétrin elle mettait les pieds ? Le sel c’était la passion de Jack, une sorte de TOC chez le jeune homme. Bon d’accord, il aimait ça quoi… Mais son attention fut soudain rapatrié sur autre chose –encore-, ce que disait sa voisine était complètement décousu ! Avait-elle compté cette phrase à demie terminée comme une réponse valable ? Voilà qu’elle parlait toute seule, plutôt amusant comme situation mais pour Jack c’était plus de l’ordre de l’irrationnel :

- « Mais… De quoi tu parles au juste ? »

Sa cuillère s’était littéralement stoppée dans la bouillie. Il s’était perdu dans le fil de la discussion. Faut dire que l’arrivé du sel le rendait tout « excité » oui c’était ça, ce mot lui allait comme un gant. Néanmoins en un instant il y eu une étincelle dans son regard :

- « Ah… Oui… Bah écoute, bien, très bien même. »

Nul doute qu’Eclipse se douterait que le sujet de la discussion n’avait pas été celui que les deux comparses feignaient d’avoir. Ne serait-ce pas ce qu’on appel un alibi qui ne tient pas la route ? Ou debout, après tout un alibi ne conduit certainement pas donc marcher lui est certainement impossible aussi. En vérité il n’avait pas entendu la question d’Eclipse, disons que toute sa concentration passait dans sa main droite qui venait de se saisir du sel. Du sel ? Mais pourquoi faire ? Pour le mettre dans la bouillie mentionnée plus haut, celle là même qui était dans son assiette ? Non vous ne rêver pas, Jack allait mettre autant de sel que nécessaire pour que le goût disparaisse définitivement de cette « purée de viande ». Alors qu’il en versait une dose plus que généreuse, il continua :

- « Eclipse, quand tu dis que c’est de ta faute... Franchement j’attendais que tu t’en rendes compte, j’étais mal à l’aise je croyais que c’était moi. J’ai eu peur sur le coup tu sais. »

Non, il ne le faisait pas exprès... Certains croiront peut-être qu’il était idiot, sachez qu’il y avait un peu de ça aussi dans sa tête. De l’idiotie, de l’inattention et surtout de la maladresse à formuler ses phrases, à les tourner. La diplomatie n’était pas trop son truc, en fait il lui arrivait même de vexer les gens sans s’en rendre compte. Alors oui, maintenant il était persuadé qu’Eclipse dérangeait les autres et il n’aimait pas du tout ces « autres »… :

- « Tout à fait entre-nous, je ne te connais pas mais heureusement que tu n’es pas comme eux, il ont l’air si bizarres. Tu ne trouves pas ? »

Dans son assiette l’on pouvait clairement voir la couche de sel par-dessus la « purée de viande ». Devait y en avait un bon demi millimètre et croyez moi qu’un demi millimètre de sel ça vaut le détour pour les non-initiés. N’attendant pas même réponse il enfourna sa cuillère dans sa bouche, peinant à avaler cette mixture qui était pour lui aussi compacte que du plâtre dilué. En fait ce n’était pas le sel qui allait changer quelque chose au goût… Enfin, il avait toujours ses barres aux fruits rouges et quelque part ça le rassurait.